Une lettre ouverte du peuple chenchu de la réserve de tigres d'Amrabad

© Survival

À qui de droit

À qui de droit

Pour les personnes qui vivent en ville, la forêt est un endroit dangereux – un endroit où vivent des animaux sauvages et dangereux. Mais depuis de nombreux siècles, nous autres Chenchu vivons en harmonie avec ces animaux sauvages et dangereux. Nous voyons le bien-être de la forêt comme notre devoir, protégeons les animaux et plantes de cette forêt sauvage sans leur nuire. Cette forêt est notre maison. La faune et la flore de cette forêt font partie de notre famille. Nous n’avons jamais eu, et n’aurons jamais, le moindre désir de quitter notre maison. Comment pouvons-nous quitter notre maison où nous vivons depuis tant d’années ? Sans nous, la forêt ne survivra pas ; et sans la forêt, nous ne survivrons pas. Demeurer en ville, même pour quelques jours seulement, est pour nous un cauchemar. Si vous nous demandez d’y vivre pour toujours, nous sommes certains de mourir. Personne n’a le droit de nous faire quitter cette forêt et, si vous le faites, c’est que, indirectement, vous nous demander de mourir.

La liberté que nous avions durant le règne des maharajas et le régime britannique a disparu suite à l’indépendance de notre pays. Tandis que des personnes extérieures avaient reconnu notre importance et nous avaient accordés la liberté de vivre en forêt, nos propres compatriotes ne l’ont pas fait. La liberté de notre pays nous a coûté notre propre liberté.

De nombreuses accusations affirment que, parce que nous sommes chasseurs, les populations d’animaux sauvages diminuent. C’est absolument faux et nous rejetons fausses allégations. Nous avons toujours traité les animaux comme des membres de notre famille. Nous les aimons comme nous aimons nos propres enfants. Si un tigre ou un léopard tue notre bétail, nous ne sommes pas déçus ou en colère, mais considérons plutôt que nos frères sont venus chez nous et ont mangé ce qu’ils voulaient. Nous ne tuons jamais les animaux sauvages. Nous ne mangeons que les restes des animaux tués par nos grands frères, les grands félins.

Si nous sommes dans cette forêt, nous sommes en sécurité, nous savons que rien ne peut nous arriver. Mais si nous quittons cette forêt, nous serons perdus. Nous vivons dans cette forêt sans aucune relation avec le monde extérieur. Entre nous, de l’amour pur et des relations fortes nous lient les uns aux autres. Mais à l’extérieur, ce n’est pas pareil. Tout est lié à l’argent. Si vous n’avez pas d’argent, il n’y a ni nourriture ni eau. Pas d’argent, pas de maison ni de vêtements. C’est un monde indécent où rien n’est pur. De l’air que nous respirons aux relations que nous tissons, tout est impur là-bas. Mais ce n’est pas le cas ici dans notre forêt. Nos ancêtres ne nous ont appris qu’une chose : aime et respecte la forêt, et elle prendra soin de toi. De la même manière, ici nous n’avons pas besoin d’argent pour manger ou vivre. Nous mangeons et vivons en harmonie avec ce qui est disponible. Étant habitués depuis toujours à l’air pur et frais de notre forêt, il nous serait difficile de vivre dans un environnement pollué, sentant le fioul et bruyant. Nous tomberions malade et serions les premiers à mourir. Si nous demandons aux personnes qui vivent à l’extérieur de venir vivre ici pour le reste de leur vie, en seront-elles capable ? De la même manière, nous non plus ne pouvons pas vivre dans le monde extérieur à notre forêt, quitter notre maison. Nous sommes satisfaits de notre mode de vie.

Nous ne buvons pas d’alcool et, même ceux qui en boivent, ne le font que lorsqu’ils en reçoivent, ce qui n’arrive en moyenne qu’une fois par mois. En ville, l’alcool est disponible partout et sans aucun doute nombre d’entre nous dépenserait tout leur argent en alcool, ce qui mettrait en danger nos familles. Cette idée nous effraye ; nous ne voulons pas vivre cela. Nulle part ailleurs, nous ne pourrons être en sécurité comme ici. Sans nul doute, la plupart d’entre nous mourrait de dépression, incapables d’affronter une nouvelle vie, et le reste d’entre nous mourrait lentement et dans des conditions horribles.

Depuis l’époque de nos ancêtres, nous naissons dans cette forêt, et nous mourons et continuerons à mourir dans cette forêt. Elle est notre souffle et notre vie. Cette forêt est notre droit, et personne ne peut nous retirer ce droit ni rompre notre lien. Si quiconque tente de le faire, nous lutterons jusqu’à notre dernier souffle. Nous verserons jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour protéger nos droits et notre forêt. Tout être vivant mourra un jour, alors peu nous importe de mourir prématurément pour cette cause.

Nous vous prions de nous considérer comme une espèce vivant en pleine nature, une « espèce à forme humaine », une espèce détenant de l’humanité, de l’amour et de la bienveillance. Selon les règles, les espèces vivant en pleine nature devrait rester en forêt, donc nous aussi.

À quiconque lira cette lettre, nous ne demandons qu’une seule chose : si possible, essayez de nous aider. Mais ne faites rien qui pourra nous nuire ou nuire à notre survie.

Merci,

T. Guruvaiah
Appapuram
Réserve de tigres d’Amrabad
Forêt de Nallamala
État du Telangana, Inde

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