La terre des Bushmen morcelée en concessions minières
31 Mars 2003
Cette page a été créée en 2003 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.
L'éviction des Basarwa [Bushmen] de la réserve… était justifiée, il est normal que le gouvernement ait pris de telles mesures. Qui aurait voulu laisser ces gens dans l'âge de pierre alors que d'autres vont vers le progrès?'
Louis Nchindo, directeur général de Debswana (filiale de De Beers au Botswana).
Le gouvernement du Botswana a divisé la quasi totalité de la terre ancestrale des Bushmen gana et gwi et des Bakgalagadi de la Réserve du Kalahari (CKGR) en concessions de prospection diamantifère. Cliquez ici pour consulter la carte (en anglais) où apparaissent la plupart des concessions qui ont été accordées l'an dernier, au moment même où débutait l'éviction des Bushmen.
Kalahari Diamonds, filiale de la multinationale BHP Billiton, compagnie qui possède le plus grand nombre de concessions, s'est récemment vu accorder par la Banque mondiale une subvention de 2 millions de dollars. Kalahari Diamonds a, à son tour, créé une nouvelle filiale, Godi, pour mener les prospections. Le seul représentant de nationalité botswanaise au conseil d'administration de Godi est Archie Mogwe, éminent conseiller politique du président du Botswana, et ancien ministre des ressources minières. De Beers qui détient déjà un important gisement de diamant dans la réserve, a également multiplié le nombre de ses concessions.
Ni le gouvernement, ni les compagnies minières n'ont pris la peine de consulter les Bushmen avant de mener les prospections dans la réserve. Un Bushman a déclaré à Survival : Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que le gouvernement ne nous met pas dehors sans raison et que cette terre regorge de diamants'.
Les Gana et Gwi sont des chasseurs-cueilleurs qui vivent sur cette terre depuis des milliers d'années. En 1961, une grande partie de leur territoire a été transformée en réserve (la Réserve de gibier du Kalahari central – CKGR) afin de protéger le gibier dont ils dépendent. Mais depuis 17 ans, le gouvernement du Botswana mène une campagne de harcèlement pour les en chasser, campagne qui a atteint son paroxysme lorsque les autorités ont, l'an dernier, fait détruire leur système d'approvisionnement en eau. La plupart de ceux qui ont été contraints de partir, vivent désormais dans de sinistres camps loin de la réserve, où règnent alcoolisme, misère et ennui et où se développe le virus HIV du sida.
Malgré d'intenses manuvres d'intimidation, près de 50 Bushmen ont refusé de quitter la réserve. Au moins 50 autres y sont retournés après leur expulsion. Pourtant, ils ont à subir la pression continuelle des représentants politiques locaux qui veulent les voir partir. Ils ont désormais très peu d'eau pour subsister et ont été interdits de chasse. Les Bushmen qui vivent dans les camps doivent obtenir des autorisations pour pénétrer dans la réserve, qui sont limitées à de courts séjours et ne sont pas autorisés à apporter de la nourriture et de l'eau à leurs familles.
Le gouvernement du Botswana, qui refuse tout débat sur le droit des Bushmen à vivre en paix sur leur propre terre, a engagé une société de communication spécialement chargée de contrecarrer la campagne internationale de soutien aux Bushmen; le secrétaire permanent au ministère des Mines (et vice-président de Debswana), M. Tombale, a récemment traité Survival d'organisation terroriste' et son gouvernement a interdit l'utilisation du matériel éducatif fourni par Survival dans les écoles du pays.
Interrogé par Survival sur sa ligne politique concernant les peuples indigènes, la compagnie De Beers a fini par admettre qu'elle n'en avait aucune. Elle est même allée plus loin, affirmant qu'une politique spécifique sur les droits des peuples indigènes équivaudrait à une mesure d'apartheid! Curieusement, De Beers ne tient pas ce discours au Canada où une puissante organisation de défense des droits indigènes a contraint la compagnie à établir des accords avec les Indiens avant toute prospection sur leurs terres. De Beers semble prête à reconnaître les droits indigènes dans les pays où elle n'a pas le choix, en revanche elle refuse que de telles idées germent près de chez elle, en Afrique australe. Le leader de la principale organisation aborigène d'Australie a qualifié son attitude d'absurde et agressive'.
Une nouvelle encourageante venue d'Afrique du Sud devrait pourtant aujourd'hui, redonner espoir aux Gana et Gwi : un peuple indigène, les Richtersvelders, y ont remporté une victoire judiciaire historique. La Cour d'appel suprême a officiellement reconnu leurs droits territoriaux en dépit du fait qu'ils n'ont jamais reçu de titres officiels et que le gouvernement a toujours prétendu qu'ils n'avaient aucun droit sur ces terres. La terre des Richtersvelders recèle d'importants gisements de diamants, comme celle des Gana et Gwi. Ce jugement devrait donc inquiéter le gouvernement du Botswana et De Beers, le système juridique botswanais étant similaire à celui d'Afrique du Sud.
Selon les dispositions de la législation internationale, les Gana et Gwi ont le droit de décider eux-mêmes de leur propre mode de vie, et de demeurer ou de retourner sur leurs terres de la réserve s'ils le souhaitent. Ils ont de nouveau fait appel à Survival pour soutenir leur lutte.