Interdiction d’inhumer un aîné dans leur territoire ancestrale : les Bushmen sont en colère

2 Mai 2022

Carte d'identité de Pitseng Gaoberekwe, qui a vécu toute sa vie dans le CKGR jusqu'à ce qu'il déménage hors de la réserve pour être près de ses enfants dans la dernière partie de sa vie. Il est désormais interdit à sa famille de l'enterrer dans la réserve, conformément à ses dernières volontés. © Survival

Un juge du Botswana a refusé d’autoriser l’inhumation du corps d’un homme âgé de la tribu des Bushmen sur ses terres ancestrales dans la réserve du Kalahari central (CKGR), une décision qui risque de raviver les tensions de longue date entre les Bushmen et le gouvernement.

Pitseng Gaoberekwe était un chasseur bushman qui a passé presque toute sa vie dans la réserve. Mais vers la fin de sa vie, il s’est installé dans l’un des fameux camps d’expulsion du Botswana, à l’extérieur de la réserve, pour se rapprocher de ses enfants. À sa mort, les autorités ont refusé de laisser son corps revenir dans la réserve pour y être enterré.

Sa famille s’est battue pendant quatre mois pour obtenir le droit de l’enterrer dans la réserve, conformément à ses dernières volontés. Selon les croyances religieuses des Bushmen, la visite des tombes de leurs proches est une pratique d’une importance cruciale, souvent associée à des effets “médicinaux” ou curatifs.

Le juge Itumeleng Segopolo a déclaré dans son jugement le 25 avril que la famille de M. Gaoberekwe devait récupérer son corps dans les dix jours et l’enterrer en dehors de la réserve, sous peine d’être emprisonnée.

Lesiame Gaoberekwe, fils du défunt, s'est battu en justice pour pouvoir enterrer son père dans la réserve du Kalahari central. © Mmegi

En 2006, les Bushmen ont gagné un procès historique pour obtenir le droit de vivre dans la réserve. De nombreux Bushmen pensent que le gouvernement utilise la bataille juridique actuelle comme un moyen de se venger de leur défaite dans cette affaire, et pointent du doigt le choix de l’avocat des autorités dans l’affaire actuelle : l’ancien conseiller présidentiel Sidney Pilane, qui a représenté le gouvernement dans sa défaite historique de 2006.

M. Gaoberekwe était tellement déterminé à continuer à vivre dans la réserve en tant que chasseur qu’il avait déjà subi une agression, une détention et un an d’emprisonnement en 1994 après avoir été arrêté par des gardes du parc pour avoir chassé.

Smith Moeti, un neveu du défunt, a déclaré à Survival : « Cette séparation de nos âmes et de nos esprits est comme le sevrage d’un bébé d’un jour de sa mère. Nous pensons que les tribunaux du Botswana sont loyaux envers le gouvernement, nous ne nous attendons donc pas à ce que justice soit faite. Cette décision constitue une violation de nos droits autochtones tels qu’ils sont inscrits dans les lois et traités internationaux. Nous avons des droits sur nos terres ancestrales et personne ne peut nous en priver, quoi que dise le gouvernement. C’était notre terre bien avant que ce soit une réserve. »

Fiona Watson, directrice de la recherche et du plaidoyer à Survival International, a déclaré aujourd’hui : « Ce jugement est un coup dur pour la famille de Pitseng et un grand revers pour tous les Bushmen qui vivent dans le CKGR. Le fait que cette affaire ait été portée devant les tribunaux montre que le gouvernement a une fois de plus l’intention de persécuter les Bushmen du CKGR, dans une démarche vindicative stupéfiante visant à priver une personne de ses droits, même dans la mort. Cette décision va à l’encontre de l’arrêt de 2006 de la Haute Cour, qui avait jugé que le gouvernement avait agi de manière inconstitutionnelle en expulsant les Bushmen de leurs terres ancestrales dans le CKGR. Survival condamne le gouvernement et cette décision erronée, et fera tout son possible pour obtenir justice pour la famille de Pitseng. »

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