Suite à une campagne de Survival International, Tesla envisage de prendre en considération les peuples autochtones non contactés en Indonésie

29 Mai 2024

Une récente vidéo montre deux hommes non contactés du peuple hongana manyawa faire signe à des conducteurs de bulldozers de ne pas pénétrer sur leur territoire. © Anon

Suite à une campagne de Survival International pour les Hongana Manyawa de l’île d’Halmahera, en Indonésie, Tesla a annoncé que l’entreprise envisageait d’étudier “la nécessité de créer une zone interdite à l’exploitation minière, afin de protéger les droits fondamentaux des peuples autochtones, particulièrement des communautés non contactées”. Cette annonce du constructeur automobile démontre que la mobilisation internationale contre les violations des droits humains peut constituer un levier et pousser les entreprises à infléchir leurs pratiques.

Cette déclaration de Tesla, qui apparaît dans son rapport d’impact 2023, dans un chapitre relatif aux impacts sociaux et environnementaux de ses opérations en Indonésie, pourrait avoir de véritables implications pour l’exploitation du nickel dans le pays, requise pour la production de véhicules électriques. Elle est le résultat d’une campagne de Survival International dénonçant le fait que la plus grande mine de nickel du monde, opérée par Weda Bay Nickel (WBN) et située sur l’île d’Halmahera, est susceptible d’entraîner la disparition des Hongana Manyawa non contactés, de graves violations des droits des Hongana Manyawa en général, ainsi que la destruction d’un vaste territoire forestier.

Tesla, qui ne compte actuellement pas WBN parmi ses fournisseurs de nickel, a clairement indiqué que l’entreprise attendait de ses fournisseurs qu’ils opèrent uniquement sur des territoires autochtones après avoir obtenu le consentement préalable, libre et éclairé des communautés concernées. Or, il est impossible d’obtenir un tel consentement de la part de communautés non contactées, comme cela est explicitement reconnu par les Nations Unies et l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA - Initiative pour une certification responsable de l'exploitation minière). En effet, ces dernières doivent être préservées de tout contact avec l’extérieur, car un contact forcé est susceptible d’entraîner leur extermination.

Un homme hongana manyawa ayant des parents non contactés vivant dans la forêt a transmis à Survival un message destiné aux constructeurs de véhicules électriques et à leurs acheteurs : “Ce message vous est envoyé directement depuis la forêt ; nous vous demandons de ne pas détruire notre forêt, nous en avons besoin.”

La mine de WBN à Halmahera est une coentreprise en partie détenue par la compagnie minière française Eramet (dont l’État français est l’un des principaux actionnaires, à hauteur de 27 %) et par l’entreprise chinoise Tsingshan. Elle fait l’objet d’une indignation internationale pour s’être établie sur le territoire de communautés hongana manyawa non contactées, faisant fi de toute obligation de consentement. WBN, qui a lancé ses opérations en 2019 et envisage de les poursuivre sur de nombreuses décennies, souhaite fournir les constructeurs de véhicules électriques en matières premières. Eramet est actuellement en discussion avec le géant de la chimie allemand BASF pour le traitement du nickel destiné aux batteries de voitures électriques.

L’entreprise française Eramet est l’entité qui supervise les opérations de la mine de WBN, déjà responsable de la déforestation de plus de 2000 hectares sur l’île d’Halmahera et comptant déforester encore le triple. Or, les 6000 hectares de forêt tropicale concernés constituent une partie du foyer d’Hongana Manyawa non contactés, ce qui menace leur existence même. Par ailleurs, la situation pourrait s’aggraver du fait qu’Eramet est éligible à un nouveau fonds d’investissement du gouvernement français destiné à l’extraction de minerais dits “critiques”, un fonds qui ne prévoit aucun critère permettant de lutter contre la déforestation ou les violations des droits humains.

 

Les forêts de l’île d’Halmahera, qui abrite des communautés hongana manyawa non contactées, sont détruites à un rythme impressionnant pour l’exploitation du nickel. © Eramet

Plus de 20 000 sympathisants de Survival à travers le monde ont envoyé un mail à Eramet, à BASF, au PDG de Tesla Elon Musk et autres compagnies impliquées, afin de demander à ces entreprises de prendre position contre l’extraction de nickel et de cobalt sur le territoire des Hongana Manyawa non contactés d’Halmahera.

Caroline Pearce, directrice de Survival International au Royaume-Uni, a déclaré : “Il s’agit d’une prise de conscience majeure. Survival explique depuis des années que l’extraction minière, l’élevage et le forage pétrolier ou gazier sur les terres de communautés autochtones non contactées ne constituent pas uniquement une violation des droits des peuples autochtones, mais également un désastre humain entraînant maladies, décès et même génocide. Face à une sensibilisation croissante du grand public, les entreprises et les gouvernements ne peuvent plus continuer à ignorer ce constat. Les récentes déclarations de Pasubio et aujourd’hui de Tesla en sont une parfaite démonstration.”

“La situation des Hongana Manyawa non contactés est particulièrement difficile et doit faire l’objet d’une réponse urgente. En effet, ils n’ont à aucun moment donné et ne peuvent pas donner leur consentement pour la destruction de leur forêt, et si les compagnies minières persistent à dévaster leurs terres, elles encourent le risque de les anéantir intégralement. Aucune entreprise ne peut se fournir en minéraux extraits des terres des Hongana Manyawa non contactés sans risquer de se rendre complice d’un génocide. Eramet, BASF et les autres entreprises impliquées doivent établir une zone exempte d’extraction minière pour éviter ce désastre, avant qu’il ne soit trop tard.”

 

Notes aux rédactions :

1. Entre 300 et 500 personnes du peuple hongana manyawa seraient aujourd’hui toujours non contactées (sur une population totale d’environ 3000 personnes) et pourraient être rayées de la surface du globe. L’extraction minière détruit leurs ressources alimentaires et les mineurs sont porteurs de maladies contre lesquelles les Autochtones non contactés n’ont aucune immunité. 

2. Survival demande à tous les fabricants de véhicules électriques, y compris Ford, Volkswagen et BYD, de s’engager à ne pas s’approvisionner en matériaux issus de territoires où vivent des communautés non contactées, ainsi qu’à respecter les droits des peuples autochtones, notamment en matière de consentement préalable, libre et éclairé, et demande à Tesla d’inscrire ces principes dans sa politique officielle.

3. Au cours des dernières années, le gouvernement indonésien a fait tout son possible pour inciter Tesla à investir dans son marché du nickel. La déclaration de Tesla est donc susceptible de provoquer une onde de choc en Indonésie. 

4. La norme mise en œuvre par l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA - Initiative pour une certification responsable de l'exploitation minière), qu’Eramet et BASF prétendent respecter, mentionne très clairement le respect impératif des droits des peuples non contactés. Elle indique notamment que “l’IRMA ne certifiera aucune mine si les communautés affectées incluent des peuples autochtones vivant en isolement volontaire [non contactés]”.

5. Tesla ne mentionne pas précisément WBN dans la liste de ses fournisseurs ou ailleurs dans son rapport d’impact, mais l’objectif affiché de la mine de WBN est d’extraire des matières premières pour le marché des véhicules électriques.

Hongana Manyawa
Peuple

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