Indonésie : les mines “vertes” d’une entreprise française menacent la survie d’un peuple non contacté

13 Avril 2023

Famille nomade hongana manyawa. Photo prise lors d’un des premiers contacts. © Survival © Survival

Un vaste projet d'exploitation minière sur l'île d'Halmahera s'inscrit dans le cadre du plan de l’Indonésie visant à devenir un producteur majeur de batteries de voitures électriques, dont le nickel est l’un des composants principaux. 

L'exploitation du nickel détruit de vastes zones de forêt de Halmahera. Ces forêts sont habitées par 300 à 500 membres non contactés du peuple hongana manyawa – nom qui signifie "peuple de la forêt" dans leur langue. Les Hongana Manyana sont l'un des derniers peuples de chasseurs-cueilleurs nomades d'Indonésie et, si l'exploitation minière se poursuit comme prévu, ils ne survivront pas à la destruction de leur forêt.

Dans ce projet, mené par Weda Bay Nickel (WBN), sont impliquées des entreprises de Chine et d’Allemagne, ainsi qu’une entreprise française : Eramet. Cette dernière est détenue à hauteur de 27,13 % par l’État français et supervise les opérations minières dans la zone. L’argent du contribuable français est donc impliqué dans ces activités dévastatrices. 

En 2006, Eramet a acquis les droits d'exploitation d'un énorme gisement en Indonésie. En 2017, elle a conclu un partenariat avec l'entreprise chinoise Tsingshan. Elles dirigent ensemble la coentreprise Weda Bay Nickel, mais c’est Eramet qui est responsable de l'exploitation minière elle-même. 

En 2019, WBN commence l'exploitation minière, sachant pourtant que sa concession chevauche le territoire des Hongana Manyawa non contactés. Depuis, d'immenses zones de forêt tropicale que les Hongana Manyawa considèrent comme leur foyer ont déjà été détruites. L'entreprise prévoit d'intensifier l'exploitation minière à un rythme plusieurs fois supérieur au rythme actuel et de l'exploiter pendant une période pouvant aller jusqu'à cinquante ans.

La forêt qui abrite des Hongana Manyawa non contactés est en train d’être rapidement détruite à cause de l’exploitation du nickel. © Christ Belseran

Cette exploitation minière est contraire au droit international, car les peuples non contactés ne peuvent pas donner leur consentement libre, informé et préalable (CLIP) à l'exploitation de leurs terres, ce qui est requis pour tous les "développements" sur les territoires autochtones (notamment dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones). De sérieux doutes se posent aussi sur la conformité des activités d’Eramet à la loi française sur le devoir de vigilance.

Alors qu’Eramet est fière de se présenter comme un modèle – affirmant qu'elle sera "une référence en matière de respect des droits humains" – les activités de WBN risquent de détruire les terres, les moyens de subsistance et les vies des Hongana Manyawa.

Une femme hongana manyawa récemment contactée a expliqué : « Ils empoisonnent notre eau et nous donnent l'impression d'être tués à petit feu. »

Une autre a déclaré : « Je ne consens pas à ce qu'ils viennent sur le territoire des Hongana Manyawa. Je ne consens pas à ce qu'ils le prennent [...] Dites-leur que nous ne voulons pas céder notre forêt. »

La directrice de Survival International France, Fiore Longo, a déclaré : « Ce qui se passe dans le territoire des Hongana Manyawa est un autre exemple flagrant des fausses solutions “vertes” mises en avant par les entreprises et les gouvernements. À nouveau, des peuples autochtones, pourtant parmi les moins responsables de la crise climatique, paient le prix des “solutions” poussées par les pays du Nord – cette fois pour que des entreprises puissent vendre à leurs clients des voitures soi-disant "neutres en carbone". 

Aujourd'hui, ils risquent non seulement d'être expulsés de la forêt qui est leur maison et leur permet de vivre, mais aussi de la voir détruite par des entreprises comme Eramet, qui prétend en plus que ses activités sont "éthiques" et "responsables".

Ces fausses solutions détournent l’attention des vraies causes de la crise climatique et environnementale que sont l’exploitation des ressources naturelles à des fins lucratives et la surconsommation croissante poussée par les pays du Nord. Survival lutte contre ces fausses solutions qui détruisent les terres et les vies des autochtones. »

 

 

Notes aux rédacteurs : 

- Des photos, des vidéos et des images satellite sont disponibles.

- Tesla, la plus grande entreprise de véhicules électriques au monde, a signé des contrats d'une valeur de plusieurs milliards de dollars américains pour acheter du nickel et du cobalt indonésiens pour ses batteries. Son PDG, Elon Musk, a également mené des négociations de haut niveau avec le gouvernement indonésien en vue d'ouvrir une usine de batteries de voitures électriques dans le pays. Le président indonésien, Joko Widodo, a même offert à Tesla une "concession minière de nickel".

- La population totale du peuple des Hongana Manyawa est estimée à environ 3000 personnes, dont 300 à 500 vivent non contactées dans les forêts de l'île d'Halmahera.

 

Hongana Manyawa
Peuple

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