'Nous apprenons avec les grands esprits'
Pour les Yanomami d’Amazonie brésilienne, le monde des esprits occupe une part fondamentale de la vie; cette galerie dépeint le monde chamanique yanomami. Les Yanomami sont aujourd’hui confrontés à de graves problèmes et leurs chamanes ne peuvent pas guérir les maladies introduites par les bûcherons et les éleveurs de bétail qui ont rasé la partie orientale de leur forêt.
Les Yanomami du Brésil et du Venezuela représentent l’une des plus grandes tribus relativement isolée d’Amérique du Sud. Leur territoire s’étend sur 9,6 millions d’hectares au Brésil et 8,2 millions au Venezuela. Suite à la campagne de longue haleine menée par Davi Kopenawa, porte-parole yanomami, Survival, le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes, et la Commission Pro Yanomami, leur territoire a finalement été démarqué au Brésil.
Aujourd’hui, cependant, ils sont exposés à de nombreux dangers. Plus d’un millier d’orpailleurs, en particulier au Venezuela, opèrent illégalement sur leur territoire et les colons et les agriculteurs empiètent sur la partie orientale de leur territoire au Brésil. Les envahisseurs leur transmettent des maladies telles que le paludisme qui peuvent leur être fatales. Les Yanomami isolés sont particulièrement vulnérables aux maladies importées qui ont déjà décimé des populations entières de tribus isolées.
Les Yanomami sont les meilleurs protecteurs de leur forêt et bien que du côté vénézuélien elle soit la deuxième plus grande réserve de biosphère au monde, elle est à présent déboisée à outrance et polluée par le mercure.
Le Congrès brésilien est actuellement en train de discuter d’un projet de loi, lequel, s’il venait à être approuvé, autoriserait l’exploitation minière à grande échelle dans les territoires indigènes tels que celui des Yanomami.
© Steve Cox/Survival
Les chamanes yanomami ont de nombreuses fonctions. Ils sont à la fois guérisseurs et gardiens des rites sacrés de leur peuple, devins météorologiques, cosmologiques, conteurs de rêves et gardiens de la connaissance botanique. Les chamanes yanomami (xapiripë thëpe) sont guidés par des esprits (xapiripë) ainsi que par la sagesse de leurs ancêtres.
© Claudia Andujar/Survival
© Victor Englebert/Survival
A travers les rêves et les transes, les chamanes yanomami transcendent les limites physiques de leur enveloppe corporelle et celles de la conscience humaine pour communier avec les xapiripë.
Nous, Yanomami, apprenons avec les grands esprits, les xapiripë. Nous apprenons à connaître les xapiripë, comment les voir et les écouter. Seuls les chamanes – ceux qui connaissent les xapiripë – peuvent les voir, car ils ressemblent aux êtres humains. Mais leurs pénis sont très petits et leurs mains n’ont que quelques doigts. Ils sont minuscules, comme des poussières lumineuses.
Leurs chants sont puissants, et leur pensée est très droite.
© Claudia Andujar/Survival
Les xapiripë dansent pour les chamanes depuis la nuit des temps, et ils continuent de danser aujourd’hui.
Leurs têtes sont couvertes de plumules de duvet du vautour blanc et leur front est ceint de bandeaux de queue de singe capucin qui rehaussent l’abondance de leur chevelure. Des plumes caudales de perroquets et de poitrines de cotinga turquoises et violettes sont fichées dans le lobe de leurs oreilles.
Ils dansent en cercle, sans hâte.
© Claudia Andujar/Survival
Les chamanes yanomami inhalent la poudre de yãkoana, extraite de l’écorce de l’arbre Virola qui contient un puissant alcaloïde hallucinogène afin d’entrer dans un état de transe. La poudre est inhalée à l’aide d’un long tube – horoma – , fait de tiges évidées de canne à flèche ou d’un petit palmier. ’C’est ainsi que nous faisons danser les esprits’ explique Davi.
Il y a beaucoup, beaucoup de xapiripë, pas peu, mais des milliers, comme les étoiles. Certains vivent dans le ciel, d’autres sous la terre et d’autres encore vivent dans les hautes montagnes couvertes de forêts et de fleurs. Nous appelons ces lieux sacrés ‘hutu pata’.
Lorsque le soleil monte dans le ciel, les xapiripë dorment. Lorsqu’il commence à descendre, l’aube commence à poindre. Ils se réveillent alors tous, innombrables dans la forêt. Notre nuit est pour eux le jour.
Lorsque nous dormons, ils s’amusent et dansent.
© Claudia Andujar/Survival
Davi a vu pour la première fois les xapiripë lorsqu’il était enfant ; il a continué à les voir dans son sommeil quand il grandissait. C’est seulement lorsqu’il est devenu adulte qu’il a demandé à être initié au chamanisme.
Lorsque nous inhalons pour la première fois la poudre yãkoana, les esprits xapiripë commencent à se rassembler autour de nous.
D’abord, on entend de loin leurs chants joyeux, légers comme le bourdonnement des moustiques. Puis on les voit briller, innombrables, avec une clarté lunaire.
Ils n’en finissent jamais d’arriver à nous, les uns après les autres, sans nombre, sans fin.
© Claudia Andujar/Survival
Les xapiripë descendent vers nous sur des chemins aussi fins que ceux des araignées.
Ils son beaux, leurs corps sont enduits de teinture de roucou vermillon et dessinés d’ondulations de traits et de taches d’un noir luisant.
Ils sont couverts d’ornements et de plumes de perroquets et d’oiseaux bariolés et ont très fière allure. Ils dansent de façon magnifique et chantent différemment. Leurs chants sont très nombreux et mélodieux. Ils ne cessent de les entonner l’un après l’autre, sans relâche, celui de l’ara, celui du perroquet, celui du tapir, celui de la tortue, celui de l’aigle…
© Claudia Andujar/Survival
Pour les Yanomami, chaque être humain ou non humain possède une ‘image-essence’, un double appelé utupë à qui il est uni pour la vie.
Tous les êtres de la forêt ont une image utupë : les oiseaux, les singes, les insectes… Il y a aussi les arbres, les rapides, le miel sauvage…
Un par un, les esprits sont arrivés. Les esprits toucan sont arrivés avec leurs grands bâtons d’oreille et leurs pagnes rouge vif, décrit Davi. Les esprits colibri sont arrivés en volant. Les esprits grenouilles étaient là avec un carquois sur le dos. Puis sont arrivés les esprits pécari, les esprits chauve-souris et les esprits des rapides.
Mon esprit a commencé à briller.
Ils sont tous venus à moi et ont accroché leurs hamacs dans ma poitrine.
© Claudia Andujar/Survival
Les chamanes yanomami sollicitent aussi l’aide des xapiripë pour guérir les maladies humaines. Diagnostiquer les maladies requiert des années d’expérience chamanique.
Ils utilisent également différentes plantes médicinales pour traiter les fièvres, les maux d’estomac, les douleurs musculaires et autres maladies. En général, tout mal trouve sa guérison, en dehors des maladies transmises par les étrangers et contre lesquelles les Yanomami ont très peu d’immunité.
Si les xapiripë n’existaient pas, nous ne serions plus en vie. Les esprits malins nous auraient dévorés il y a bien longtemps. Ils savent quelles maladies nous frappent. Ils se débarrassent de la maladie et la jettent loin, dans le monde souterrain.
Ainsi, ils nous guérissent.
© Claudia Andujar/Survival
En communiant avec les xapiripë et en les contrôlant, non seulement les chamanes yanomami protègent leur propre communauté mais ils veillent aussi sur le monde entier. Davi pense que beaucoup de puissants chamanes sont nécessaires pour préserver la planète.
Nous les chamanes travaillons aussi pour vous, les Blancs, dit-il. Nos chamanes savent que notre planète est en train de changer. Nous connaissons l’état de santé de l’Amazonie. Nous savons qu’il est dangereux d’abuser de la nature et lorsque vous détruisez la forêt, vous coupez les artères du futur et la force du monde décline.
Le ciel est empli de fumées car notre forêt est rasée et brûlée. La pluie vient tard, le soleil se comporte de manière étrange. Les poumons du ciel sont pollués. Le monde est malade. La forêt mourra si elle est détruite par les Blancs.
Où irons-nous lorsque nous aurons détruit notre monde?
Si la planète est silencieuse, comment pourrons-nous apprendre?
© Claudia Andujar/Survival
La sagesse des xapiripë yanomami est ancienne.
Nous avons gardé en nous les paroles de nos ancêtres pendant longtemps et nous continuons à les transmettre à nos enfants, dit Davi.
Ainsi, les paroles des esprits ne disparaîtront jamais.
Leur histoire n’a pas de fin.
© Claudia Andujar/Survival
David Beckham a rencontré Davi Kopenawa, le plus important porte-parole yanomami, connu comme le ‘dalaï-lama de l’Amazonie’.
Alors qu’il participait au tournage d’une émission de télévision au Brésil, Beckham s’est rendu dans le territoire yanomami et a discuté avec Davi des problèmes auxquels son peuple est confronté, en particulier l’invasion de son territoire par les orpailleurs clandestins.
© Nenzinho Soares
Davi Kopenawa est le premier chamane yanomami a avoir écrit et publié un livre.
’La chute du ciel : paroles d’un chamane yanomami’, écrit en collaboration avec son ami l’anthropologue Bruce Albert, est un témoignage unique.
© Nenzinho Soares
Autres galeries
La chasse
Qui sont les chasseurs-cueilleurs autochtones? Où vivent-ils? Quelles sont le...
9 photographies pour le 9 août, la journée mondiale des peuples autochtones
Une galerie spéciale pour célébrer la journée mondiale des peuples autochtones.
Les peuples indigènes témoignent du changement climatique
A l'occasion de la 21ème conférence pour le climat (COP21), des représentants...