Atrocités commises dans un célèbre parc de gorilles : un nouveau rapport révèle l’ampleur de la situation

6 Avril 2022

Un homme batwa tué par des gardes du parc lors de l’un des événements décrits dans le rapport © Survival

Un parc national de la République démocratique du Congo, réputé pour ses randonnées d’observation des gorilles, a été, selon un nouveau rapport dévastateur de Minority Rights Group International, le théâtre d’atrocités effroyables, notamment de viols collectifs, de tortures et de meurtres.

Les gardes qui patrouillent dans le parc national de Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo, ainsi que l’armée congolaise, ont commis ces dernières années une série d’atrocités effroyables à l’encontre du peuple autochtone batwa dont les terres ont été volées pour créer le parc :

- Des dizaines de femmes batwa ont été violées collectivement sous la menace d’une arme.
- Au moins vingt Batwa ont été tués.
- Plusieurs Batwa, y compris des enfants, ont été brûlés vifs.
- Des cadavres de personnes batwa ont été mutilés.
- Des centaines de Batwa ont été expulsés, souvent à plusieurs reprises, lors de vagues d’attaques successives.

Des milliers de Batwa ont été expulsés lorsque le parc a été agrandi en 1975. Depuis, ils vivent pour la plupart à l’extérieur du parc, dans des conditions de pauvreté absolue, mais certains ont essayé de retourner sur leurs terres à l’intérieur du parc.

Des gardes et des soldats du parc national de Kahuzi-Biega brûlent les maisons des Batwa pour les chasser du parc, leur terre ancestrale. © KBNP

Les violences détaillées dans le rapport font partie d’un schéma clair d’abus horribles commis dans le cadre de projets de conservation de la nature que Survival et d’autres ont révélés ces dernières années.

Il est choquant de constater que les agences de financement européennes et américaines, ainsi que la WCS, semblent avoir violé un embargo sur les armes imposé par l’ONU en soutenant les activités paramilitaires du parc sans en informer le Conseil de sécurité de l’ONU. En outre, ils continuent de financer les responsables en dépit du fait qu’ils étaient au courant des abus. Les auteurs du rapport déclarent : « [Les] bailleurs de fonds internationaux […] sont complices de ces abus. »

Parmi les principaux bailleurs de fonds du parc et de ses gardes figurent :

- le gouvernement allemand, par le biais de ses agences de développement KfW et GIZ;
- la Wildlife Conservation Society (WCS, organisation mère du zoo du Bronx), organisation à but non lucratif basée aux États-Unis ;
- l’Agence de développement du gouvernement américain (USAID).
- l’Agence française de développement (AFD) prévoit également d’allouer des fonds au parc.

Le rapport déclare : « Il est peu probable que la violence organisée documentée dans ce rapport ait eu lieu sans le soutien décisif des soutiens internationaux du [parc]. »

Et il indique clairement que ces abus effroyables ne sont pas des incidents isolés menés par des agents véreux, mais  « font partie d’une politique institutionnelle approuvée et planifiée au plus haut niveau par les dirigeants du parc. »

En 2017, Mbone Christian, âgé de dix-sept ans, a été abattu alors qu’il ramassait des plantes médicinales dans le parc. Son père, qui a également été blessé mais a survécu, avait alors lancé un appel désespéré à la WCS : « Nous luttons pour trouver de quoi manger et sommes obligés de faire face à de nouvelles maladies et à la perte de nombreux médicaments issus de la forêt […] Pourtant, personne n’est jamais venu demander notre consentement pour le parc national de Kahuzi-Biega. Pourquoi alors la WCS continue-t-elle à le financer et à le soutenir ? »

Caroline Pearce, directrice internationale de Survival, a déclaré aujourd’hui : « Ce rapport démontre de manière horrible comment certains des plus grands acteurs du secteur de la conservation de la nature continuent à verser des millions dans le modèle abusif de la “conservation-forteresse”. Sous couvert de faire du “bien” à la planète, ils financent un énième parc où les peuples autochtones sont violés et tués en toute impunité.

« Les gouvernements allemand et américain, ainsi que la WCS, ont fermé les yeux sur ces atrocités, continuant à financer le parc alors que ses gardes ont tué et violé des dizaines de Batwa.

« Un modèle de conservation raciste et colonial qui considère les êtres humains et leurs droits comme jetables ne parviendra jamais à atteindre ses objectifs. Les bailleurs de fonds gouvernementaux et non gouvernementaux doivent immédiatement cesser tout financement de ces projets de “conservation-forteresse” – y compris le projet visant à transformer 30 % de la Terre en “Aire protégée” d’ici 2030 – et reconnaître à la place les droits territoriaux autochtones, ce qui est un moyen bien plus efficace de sauvegarder l’environnement. Sinon ils continueront à se rendre complices de telles atrocités. »

Le rôle du financement allemand dans le parc national de Kahuzi-Biega et d’autres projets internationaux de conservation de la nature en Afrique sera l’un des principaux sujets d’une conférence qui se tiendra à Berlin à la fin du mois. La conférence “Pas de biodiversité sans diversité humaine” est gratuite et pourra être suivie en présentiel ou en ligne.

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