‘Ouvrez le barrage et laissez l'eau couler’: un appel désespéré des peuples de la vallée de l'Omo
26 Février 2010
Cette page a été créée en 2010 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.
De nombreux peuples indigènes de la vallée inférieure de l’Omo sont confrontés à la famine, la région étant touchée par une forte sécheresse et par l’absence de crue annuelle de la rivière.
Les Kwegu, un petit groupe de chasseurs-cueilleurs, en sont gravement affectés. Deux enfants et quatre adultes kwegu sont morts de faim en novembre dernier.
Un porte-parole kwegu a transmis le message suivant : ‘Faites savoir à vos dirigeants que nous, peuple kwegu, avons faim. Les autres tribus ont du bétail, elles peuvent s’abreuver du lait et du sang de leurs animaux. Nous, nous n’avons pas de bétail, nous nous nourissons de ce que nous procure la rivière de l’Omo. Nous dépendons étroitement du poisson, il est notre bétail. Si les crues cessent, nous mourrons’.
Durant ces trois dernières années, la vallée de l’Omo, qui abrite huit tribus distinctes, soit près de 200 000 personnes, a souffert de la rareté des précipitations. La crue annuelle de la rivière Omo, essentielle à la vie de cette région, s’est peu à peu réduite ces dernières années pour être quasi inexistante en 2009.
Un membre de la tribu mun a déclaré : ‘Auparavant, les crues étaient abondantes et nous pouvions cultiver de grands terrains. Aujourd’hui, aucun de nos champs cultivés… n’est arrosé’.
Les raisons de l’arrêt des précipitations et de l’absence de crue ne sont pas clairement établies. En revanche, le projet Gibe – une série de cinq barrages planifiés sur la rivière de l’Omo – risque d’amener une région déjà très affectée et ses habitants à un point de rupture majeur.
Les Kwegu réprouvent le barrage. L’un d’entre eux déplore : ‘Notre terre n’est plus bonne à rien. Ils ont retenu l’eau et nous connaissons maintenant la famine. Ouvrez le barrage et laissez l’eau couler’.
La construction de Gibe I sur l’un des affluents de l’Omo est presque achevée. Le barrage Gibe II qui retient les eaux de la même rivière a été récemment une source d’embarras pour le gouvernement éthiopien et la compagnie italienne Salini Costtrutori suite à un effondrement partiel dix jours après sa mise en activité.
Le Gibe III en est au tiers de sa construction. Un batardeau de 50 mètres destiné à la retenue d’eau provisoire a été récemment mis en place. De nombreux observateurs estiment qu’il aurait contribué à l’absence de la crue annuelle.
Si la construction de Gibe III s’achève, il sera le deuxième barrage hydroélectrique le plus important d’Afrique.
Un groupe d’experts dénonce ses effets dévastateurs sur le cycle de crue de la rivière, essentielle au mode de vie et à la survie des peuples de la vallée de l’Omo qui en sont tributaires.
Le gouvernement éthiopien prétend que non seulement Gibe III permettra de mettre fin à la pénurie d’électricité du pays et de fournir de l’énergie aux pays voisins, mais il garantira la sécurité des populations vivant en aval en empêchant les crues géantes d’inonder le bétail et les riverains. Mais les tribus savent bien que sans cette crue annuelle, elles ne pourront survivre.
Un Mun a déclaré : ‘Maintenant qu’il n’y a plus de crue, nous avons un grand problème. Nous avons peur de mourir. Nous n’avons pas connu de saison des pluies depuis trois ans. Pourquoi la pluie n’est-elle pas tombée pendant tout ce temps? Le ciel n’était-il pas en règle avec son contrat de travail ? Ou a-t-il oublié de travailler?’
‘Il n’y a plus aucune cérémonie sur les berges de la rivière. Les gens ont trop faim. Les enfants se taisent.’
‘Il n’y a plus de pluies depuis trois ans et maintenant, lorsque nous nous rendons à la rivière, il n’y a plus d’eau.’