Survival appelle l'ONU à condamner la politique de « tir à vue » dans le cadre de la protection de la nature
4 Avril 2017
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Survival a demandé au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de condamner la politique de « tir à vue » employée dans le cadre de la protection de la nature.
Dans une lettre adressée au Rapporteur spécial des Nations Unies chargé de ces problèmes, Survival a déclaré: « La politique de tir à vue affecte directement les peuples autochtones qui vivent dans ou près des "zones protégées“, […] en particulier lorsque les gardes-chasse ne parviennent pas, comme si souvent, à faire la différence entre ceux qui chassent pour leur subsistance et ceux qui pratiquent le braconnage à des fins mercantiles. »
« Personne ne sait dans quels cas les agents de protection de la faune sont autorisés à utiliser la force meurtrière contre les [braconniers présumés] et il est impossible pour les proches des victimes de demander des comptes aux gardes qu’ils soupçonnent d’avoir tué sans raison valable. De nombreux pays vont même plus loin en accordant aux agents de protection de la faune l’immunité contre des poursuites », précise la suite de la lettre.
La lettre cite le parc national de Kaziranga en Inde comme un exemple particulièrement frappant de cette tactique. Un récent reportage de la BBC estime que 106 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires dans les vingt dernières années, y compris un homme handicapé issu d’une communauté autochtone, qui aurait pénétré dans le parc pour récupérer du bétail.
De fait, les gardes de Kaziranga ont une immunité pénale et ont admis avoir reçu des instructions sur le fait de tirer à vue sur les personnes suspectées de braconnage. Cela a de sérieuses conséquences pour les peuples autochtones vivant autour du parc. En juin 2016, les gardes ont tiré sur un enfant autochtone de 7 ans et l’ont estropié à vie.
Des méthodes similaires sont utilisées ailleurs dans le monde, notamment au Kenya, en Tanzanie et au Botswana, parmi d’autres pays africains.
À propos de sa propre lutte contre le braconnage en Afrique, l’expert Rory Young de l’organisation Chengeta déclare: « Tirer à vue est stupide. Si nous avions tiré à vue pendant notre dernière opération d’infiltration, nous aurions tué une poignée de braconniers et en serions restés là. Chaque braconnier est une source d’informations menant à d’autres braconniers et permettant de remonter la chaine jusqu’aux plus hauts responsables. »
Survival a demandé au Rapporteur spécial de déclarer clairement que le tir à vue viole les droits fondamentaux inscrits dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, ainsi que dans d’autres conventions internationales.
On justifie le tir à vue en prétextant que cela dissuaderait les braconniers. Cependant il y a eu récemment plusieurs cas où des gardes et des fonctionnaires de Kaziranga ont été arrêtés car ils étaient eux-mêmes impliqués dans le commerce illégal d’espèces sauvages.
Survival International mène la lutte contre ces abus et réclame un nouveau modèle de protection de la nature qui respecte les peuples autochtones. S’en prendre aux peuples autochtones détourne de la lutte contre les vrais braconniers, des criminels qui sont de mèche avec des dirigeants corrompus. Attaquer les peuples autochtones nuit à la protection de la nature.
Stephen Corry, directeur de Survival, a déclaré: « Si n’importe quelle autre industrie était coupable d’une pareille violation des droits de l’homme, il y aurait un tollé international. Pourquoi ce silence quand des défenseurs de l’environnement sont concernés? La torture et les homicides extrajudiciaires ne sont jamais justifiés – la loi est claire sur ce point. Certains pensent que la mort d’innocents est justifiée, que des “dommages collatéraux” sont inévitables dans la lutte contre le braconnage. Nous leur demandons: où est votre humanité? Evidemment le racisme joue un rôle ici: les politiques de tir à vue seraient inimaginables en Amérique du Nord ou en Europe. »